jeudi 29 juin 2017

Bouddhisme et Vérité


1- Le Bouddhisme est il une religion ?

« Ne croyez pas ce que je dit, expérimentez le ! ».

Cette phrase attribuée au Bouddha est fondamentale. C’est elle qui, à mon sens distingue le bouddhisme de toutes les autres religions et qui fait que le bouddhisme peut être considérée par certains comme une philosophie et non comme une religion. 

A l’origine religion vient du latin relego, relegěre (rassembler de nouveau, recueillir de nouveau) et aussi de Religare (relier) qui peut être interprété de plusieurs façons. Il s’agit soit de rassembler un groupe de croyants, soit de relier l’humain au divin.
D’après Wikipédia : « Une religion se conçoit le plus souvent comme un système de pratiques et de croyances pour un groupe ou une communauté, mais il n'y a pas de définition qui soit reconnue comme valable pour tout ce que l'usage permet aujourd'hui d'appeler religion. »

Dans le bouddhisme, il n’y a pas de dogme, pas de « vérité déclarée », il y a juste un chemin, des enseignements, qui sont proposés à celui qui en a envie.
 Quand on a demandé au Dalai Lama quelle était la meilleure religion, il a répondu : « Celle qui vous fait le plus de bien !». 
Normalement, dans le bouddhisme il n’est pas demandé de croire à quoi que ce soit. L’objectif est d’atteindre l’éveil, à chacun son chemin .

Mais l’être humain étant ce qu’il est, vous trouverez beaucoup de bouddhistes, et de soi-disant « maîtres bouddhistes » en train de défendre des croyances et des rituels, tels ceux que l’on trouve dans toutes les religions, avec ses paradis, ses monstres, ses saints et tout l’attirail qui va avec.
Vous trouverez, sur internet ou ailleurs, beaucoup de formes différentes du bouddhisme que ce soit le bouddhisme tibétain, le Zen japonais, le Chan chinois et beaucoup d’autres encore. Partout dans le monde, là où le bouddhisme s’est développé, les moines en ont fait une religion, et parfois, ils en vivent bien. 

Et il n’est pas rare, comme dans toutes les religions, qu’il y ait des schismes et donc des conflits. Il m’a été rapporté qu’au Tibet, là où il y a les bonnets jaunes, ceux du Dalai lama et les bonnets rouges, ceux du Karmapa, il arrivait fréquemment que les bonnets jaunes et les bonnets rouges se battent à coups de bâton, et même parfois, à coups de haches à propos de détails de la doctrine.

Avoir des croyances communes, les célébrer avec des rituels, est rassurant. Cela nous protège un peu de la peur de la mort, cela créée une communauté, c’est confortable d’être avec des gens qui partagent nos croyances et nos symboles.

Donc, nous pouvons trouver des moines ou des nonnes bouddhistes tout à fait comparables à nos curés de campagne, avec leurs certitudes, leur morale parfois discutable et leur attirail religieux.
Si vous allez dans un temple tibétain, Chan ou Zen, les formes les plus connues en France, aujourd’hui, vous allez rencontrer des croyances et des gens qui vont essayer de vous les faire partager. 
Mais, en général, les vrais bouddhiste n’insisteront pas et même si vous refusez leur croyances, ils vous accueilleront très amicalement et vous offriront à manger.
Bouddha n’a pas voulu créer une religion. Je ne crois pas que Jésus ait voulu en créer une non plus. 

Un bémol, toutefois : J’ai eu la chance de rencontrer Lama Gwendune Rinpoché qui était considéré comme un bouddha vivant, un être éveillé. Il avait passé 30 ans seul dans la montagne de l’Himalaya à méditer. Le Karmapa, équivalent du pape pour la lignée des Kagyupa, l’avait envoyé en France pour qu’il répande la Dharma, l’enseignement et la règle du bouddhisme tibétain. C’était le maitre spirituel de Daghpo Kagyu Ling à Saint Léon sur Vézère.
Quand vous l’approchiez, il était clair que cet homme là, petit bonhomme fragile de 80 ans, n’était pas ordinaire. Il rayonnait littéralement. Les gens étaient attirés comme par un aimant vers lui. Il était toujours accompagné par 2 lamas qui le protégeaient, car les gens se bousculaient pour l’approcher et essayer de le toucher. Au moins un millier de personnes de toutes nationalité se déplaçait à Saint Léon sur Vézère, chaque été, venant de toute l’Europe, pour écouter ses enseignements. Une fois, un photographe à voulu faire une photo de Gwendune avec tous les participants derrière lui, devant le stoupa du temple. Et cela à été impossible, car la foule restait groupée autour de Gwendune. 
Gwendune professait au moins une croyance : faire confiance à son lama.
En effet ceux qui le souhaitent peuvent se faire accompagner par un lama pour parcourir le chemin qui mène à l’éveil. Car ce chemin est rude, souvent douloureux, un peu comme une thérapie, mais en plus poussé.
L’objectif du bouddhiste, c’est d’atteindre l’éveil, pour cela son outil principal est la méditation.


2- Histoire de Bouddha 

Sidarta Gautama, dit Shakyamudi, dit Bouddha est né en -556, en Inde, dans un contexte religieux Hindouiste, où existaient déjà les notions d’Eveil, de Karma et de réincarnation. Il existe donc des similitudes entre le bouddhisme et l’hindouisme.
Selon la légende Siddhartha Gautama était le fils d’un roi. Son père avait voulu protéger son fils de la souffrance en l’empêchant de sortir du palais et en l’entourant de gens souriants, bien nourris, en bonne santé. Un jour Sidarta, à l’adolescence arriva à s’échapper du palais et  vis comment les gens vivaient. Ce fut un choc pour lui quand il vit des mendiants, des infirmes, des malades ou des gens qui avaient faim (cela se passait en Inde), quand il vit que partout il y avait des gens qui souffraient  et mourraient.
Il se jura de trouver un remède à la souffrance. Il quitta le palais et parcouru les routes de l’Inde, seul à pieds, pendant de nombreuse années, pour trouver la solution. Il consulta les grands maitres hindouistes. Il ne la trouva pas. Découragé et en colère, il arriva au pieds d’un grand arbre près d’une rivière et jura de ne plus bouger de là avant d’avoir trouvé la solution. 
L'Arbre de la Bodhi était un grand et très vieux Figuier Sacré situé à Bodh Gaya (à environ 100 km de Patna dans l'état indien de Bihar).
Il resta seul, assis au pied de l’arbre durant des mois, les villageois lui apportaient un peu de nourriture, il failli mourir, et puis un jour il connut l’éveil. Il était libéré de la souffrance. Il était devenu Bouddha et il avait découvert la méditation. 


3- Qu’est ce que la méditation, à quoi sert elle ?

La méditation consiste principalement à rester immobile, parfois plusieurs heures de suite, assis dans la position du lotus, mais cela peut aussi se faire assis sur une chaise ou en marchant, être conscient de soi-même, être conscient de son corps et de son esprit. L’objectif est d’observer tranquillement ses pensées sans rentrer dedans, pour, finalement, s’en détacher. En effet nous avons tous tendance à nous identifier à nos pensées, à croire que « je suis mes pensées ». La fameuse phrase de Descarte « Je pense, donc je suis ! » est totalement à l’opposée du bouddhisme. Un maître bouddhiste pourrait dire « je ne pense pas, donc je suis ! ». 

C’est un point commun important avec l’hindouisme. Des Maîtres contemporains comme Ramana Maharshi, ou Nisargadati Maharadj, conduisaient leur disciples vers cette expérience du « Je Suis ». 
Ramana Maharshi, quand un disciple venait lui poser une question, sur quelque sujet que ce soit, commençait toujours par lui demander : « qui se pose cette question ? », autrement dit, qui pense en toi, quel est le siège de tes pensées ?
Un américain, Charles Berner, à partir des enseignements de Ramana Maharshi, a mis au point des séminaires vers l’éveil, ou les participants passent 3 jours, de 6 heures du matin, à 11h du soir à se poser la question « Dis moi qui tu es ? ». Je considère ces séminaires comme une forme puissante de méditation. 

La méditation assise, traditionnelle, quand on la pratique longtemps, fini par nous détacher de nos pensées. Nous ne sommes plus nos pensées, mais l’observateur de nos pensées. Et, étant observateur, nous finissons par voir toute la futilité de nos pensées et par identifier les croyances qui construisent notre ego. Ce sont nos croyances qui nous permettent de construire ce que nous appelons la vérité, mais que nous devrions appeler « notre vérité parmi les 10 milliards de vérités qui existent sur terre ». En fait, il y a 10 milliard de vérités sur terre. Chacun a la sienne. 
C’est cet attachement à nos vérités respective qui est la source des conflits et de la haine de l’autre, de celui qui n’est pas comme nous, qui n’a pas les mêmes croyances. C’est la source de nos souffrances psychiques et bien souvent, aussi, physiques.
Bien sûr, nous pouvons nous attacher aux faits et dire que c’est la réalité et donc, la vérité.
Mais un même fait peut être vu sous différents angles et interprété de différentes façons.
La plupart de nos croyances sont inconscientes, mais ce sont elles qui conduisent chacune de nos actions. Par exemple : si je sais ouvrir une porte, c’est parce que je sais, je crois qu’il faut tourner la poignée et pousser pour y arriver. A chaque instant, ce sont nos croyance qui nous font agir.
Nos croyances construisent notre vérité et elles s’auto-génèrent. C’est à dire qu’elle filtrent  constamment notre perception du monde et ne retiennent que ce qui va dans leur sens, refusant de voir tout ce qui pourraient les remettre en question. 
« Je prend ce qui m’arrange, j’enlève ce qui me gène et je me débrouille avec ce qui reste pour avoir raison ».
Car ce qui remet nos croyances en question, remet notre identité sociale en question. Les élections sont un exemple intéressant. Comment se fait il que des gens intelligents et cultivés puissent défendre des opinions opposées, souvent en toute bonne foi ? Ils ont simplement, à travers leur histoire personnelle, développé des croyances différentes, et aujourd’hui, ils ne voient plus dans les faits qui leurs sont proposés que ceux qui peuvent renforcer leur opinion, leurs croyances.
Il est très difficile de se détacher de nos croyances, car, non seulement elles sont inconscientes, mais ce sont elles qui nous donne le sentiment d’exister. Se détacher de ses croyances, c’est accepter de disparaitre, de ne plus exister, de mourir ! 
En effet, ce sont nos croyances qui nous permettent de vivre en société et d’y avoir la place que nous avons.
Bouddha a dit que le but de la méditation, c’est d’enlever le voile des illusions. Nos croyances sont la source de nos illusions. Lorsque toutes nos illusions, toutes nos croyances sont parties, nous entrons en contact profond qui nous sommes vraiment et avec la réalité de l’univers, c’est l’Eveil


4 - Qu’est ce que l’éveil ?

C’est une expérience impossible à décrire avec des mots, car elle se situe en dehors de notre monde de concepts, à un endroit, si je peux parler d’un endroit, où il n’y a plus de mots, plus de définitions, juste un état, une connexion.
C’est l’état des êtres réalisés. Nous pouvons dire que Bouddha, Jésus ou Mahomet, où même Saint François d’assises, maitre Ekhart ou d’autres, selon leurs légendes respectives, étaient des êtres réalisés. 
Ce qui les caractérise, en général, c’est l’amour de l’autre, le non jugement, la vision, la connection avec la nature, la disparition de l’égo. C’est la sagesse ultime, celle des êtres en réelle communion avec les autres et l’univers. Il n’y a plus de souffrance, plus de plaisir, juste la joie d’être, le « Je Suis Celui qui est ! » de Jésus et d’autres comme Ramana Maharchi en Inde.


5 - Développement du Bouddhisme

A la mort de Bouddha, le bouddhisme est resté confidentiel. Seuls quelques compagnons ont perpétué son enseignement. C’est le roi Ashoka, qui vers -260, après une guerre dévastatrice, à décidé d’implanter le Bouddhisme en Inde, attiré par la non violence enseignée par Bouddha. Ecoeuré par les dégâts causé par les conquêtes territoriales et matérielles, il décide de se consacrer à la conquête intérieure et fait de longue retraites dans des monastères pour méditer. Il fait des dons pour aider le bouddhisme à se développer, et il en fait aussi aux autre religions présentes en Inde. Il a incité son peuple au végétarisme, interdit les sacrifices d’animaux et remplacé la chasse par des pèlerinages.
A partir de ce moment, le bouddhisme se répandit au Sri Lanka, en Birmanie, puis dans la plupart des pays asiatique.
Il arriva en Chine au 4ème siècle après Jésus Christ, porté par le légendaire Boddhidarma, un moine venu d’Inde. Boddhidarma s’installa au monastère de Shaolin où il créa le Chan, forme chinoise du bouddhisme. On lui attribue aussi la création du Kung Fu.
Puis il arriva au Japon en l’an 600 où il prit la forme du Zen et déclaré religion d’état.
C’est seulement vers l’an 750 qu’il arriva au Tibet où se développèrent les écoles des Bonnets Jaunes, les Gelugpas, dirigée par les Dalai-Lamas et des Bonnets Rouges, les Nyigmapas et Kagyupas. 
A chaque fois, le Bouddhisme s’imprègne des cultures locales : Tantra au Tibet, shintoïsme au Japon, … et beaucoup d’écoles différentes furent créées, se distinguant les unes des autres par des détails.

Les 2 plus connues, qui regroupent elles mêmes beaucoup de sous-écoles sont le Mayahana ou Grand Véhicule et le Hinayana ou Petit Véhicule.
Dans les grandes lignes, le Grand Véhicule prône la quête de l’éveil dans une motivation altruiste, celle des Bodhisattvas, qui bien qu’ayant atteint l’Eveil se réincarnent sur terre pour aider les autres êtres à l’atteindre.
Alors que le Petit Véhicule vise simplement l’éveil du pratiquant pour le délivrer de la souffrance.


6 - Pourquoi ce titre : « Bouddhisme et vérité » ?

Pour un bouddhiste, je ne parle pas de ceux qui en ont fait une religion et qui essaient d’imposer leur vérité aux autres, la vérité n’existe pas, ou, plus précisément, la seule façon de la rencontrer, c’est d’atteindre l’Eveil. 
Ce terme, « vérité », est galvaudé, comme d’ailleurs « liberté ». Beaucoup d’entre nous l’utilisent sans avoir vraiment réfléchi sur son sens. Ils s’en tiennent à une signification primaire.
En effet comment être libre en vivant dans une société qui, pour exister, impose naturellement des règles de fonctionnement et qui punit d’une façon ou d’une autre ceux qui ne les respectent pas. Même vivant sur une ile déserte, nous sommes toujours prisonnier de nos besoins de base, manger dormir, etc. Avoir le sentiment d’être libre, pour un être humain, c’est déjà pas mal. Mais être vraiment libre, c’est beaucoup plus difficile.
De la même façon, si il existait une vérité, cela se saurait, mais cela fait des millénaire que les hommes se battent pour essayer d’imposer leur vérité.
La réponse du bouddhisme est qu’il n’y a pas de vérité dans les idées, ni dans le débat d’idées. La seule vérité, c’est d’arrêter de penser et simplement d’être. D’être en contact avec les autres, d’être les autres, d’être en contact avec l’Univers, d’être l’Univers. Alors la vérité peut se révéler.
Sur le plan pratique, il est clair que nous ne pouvons pas vivre en société, avec presque 10 milliards d’être humains sur la terre, sans penser, sans débat d’idées. 
Mais il me semble important d’accepter que quelques soient les idées que nous portons, ce n’est pas la vérité.

Pour conclure je vous propose un poème qui a été écrit par Lama Gwendune Rinpoché et traduit en français : 

Laisse cet esprit, le tien, dans la détente, sans artifice
Dans cet état, regarde le mouvement des pensées.
Etablis-toi sur ce mouvement, sans forcer.
Dans cet état se révèle un calme.
Pas d'attachement au calme.
Pas de peur du mouvement.
Pas de différence entre le calme et l'activité.
Reconnais ces deux états comme des phénomènes mentaux s'élevant de l'esprit.
Dans cet état repose...
Sans saisie, sans attachement, dans l'essence naturelle.
Dans cet état, l'essence de ton propre esprit,
Sagesse, vacuité radieuse, va s'élever.
Et tu n'auras pas de mots...
Dans cet état, poindra une stabilité naturelle
Ne tiens pas la stabilité pour quelque chose,
Mais sois spontané, naturel et libre.
Ne t'attache pas, ne rejette pas les créations mentales mais, s’il te plait, demeure.

Mais surtout, ne croyez pas tout ce que j’ai dit !
Si vous en avez envie, expérimentez le !








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